Discours tenus à la table ronde en présence de monsieur le premier Ministre

Discours tenu par martine Albert présidente des enseignes de Villar d'Arêne


Les commerces du territoire de La Meije sont des commerces de proximité. Service de Proximité avec ouverture à l’année. Le tourisme est notre 1ère  ressource
Nous associons à nos demandes  l’ensemble des socioprofessionnels impactés, soit ceux de l’Oisans – Meije – Briançonnais.

Depuis le 10 avril 2015, date de fermeture de l’axe RD1091
Les socioprofessionnels subissent de nombreuses et fâcheuses conséquences économiques, sociales du fait
- principalement  de  la  perte de 90 % de la clientèle touristique.
Et donc de  
- la Baisse de chiffres d’affaires
- avec maintien des Charges fixes
- et Augmentation de charges consécutives à cet état de fait du fait de liens commerciaux majoritaires avec l’Oisans (ex transport : manutention en BTP, livraisons pour les commerces)
- Impossibilité de se projeter sur l’avenir : annulation des courts séjours, cessation de demandes de réservations pour les saisons à venir
Des hommes en détresses financières et psychologiques.
Une vision d’avenir morose !

Les Enseignes de Villar d'Arène travaille main dans la main avec les chambres consulaires mais les aides en cours de validation, à l’initiative de la cellule de veille économique, restent insuffisantes pour assurer la survie des commerces et des personnes.

Nous demandons qu’un ensemble d’actions concrètes et urgentes soient prises par  la Nation sur l’ensemble de ce territoire, soit :
- l'ouverture d'un axe routier à deux voies : une Route pour Tous, une Route pour Vivre
- octroi à l’ensemble des socioprofessionnels, et des non socioprofessionnels  vivant du tourisme (secteur locations meublées majoritaires sur le territoire) d’aides financières  proportionnelles à leurs pertes. A renouveler jusqu’à ce que  la situation économique soit similaire à celle antérieure au  10 avril 2015.
-   exonération partielle  ou totale de charges sociales, fiscales, et diverses pour tous.
- des actions de communications ouvertes sur l’ensemble des pays qui viennent sur le Pays de la Meije jusqu’à ce que la situation économique soit similaire à celle antérieure au 10 avril 2015.

Discours tenu par Frédéric Julliard, porte parole du Collectif:

Histoire du Pays de Meije depuis 105 jours
10 Avril 2015 la route se ferme derrière le bus scolaire.
En cette fin de saison hivernale pas d’affolement nous sommes habitués a voir la RD 1091 se fermer pour quelques heures ou quelques jours.
Mais rapidement la nouvelle tombe : les travaux initialement prévus dans le tunnel en juin doivent se faire dans l’urgence. Mais pas d’inquiétude le 15 juin tout sera en ordre. C’est une fin de saison de ski qui part en eau de boudin …
Le 18 Avril devant l’inquiétude de la population, ici même une réunion publique est organisée par les élus locaux. Ils rassurent, demandent qu’on leur fasse confiance, ils gèrent la crise, vont mettre en place des navettes lacustres et routières, solliciter la CCI, organiser la scolarité de nos enfants à Bourg d’Oisans.
L’inquiétude grandit, les informations communiquées sont floues et peu rassurantes mais comment va-t-on faire notre saison d’été, comment faire avec nos employés saisonniers et nos commandes ? On se réveille Chambon, on déjeune Chambon, on rêve Chambon.
1 mois s’écoule le collectif du Chambon nait et le 17 mai nouvelle réunion publique. Cette fois les techniciens sont là, graphiques, explications techniques, planning …. La route réouvrira le 10 juillet, ils sont sûrs, nous un peu moins mais que faire à part les croire.
La vérité même si elle est dure à entendre
Malheureusement la suite donne raison à nos doutes, la montagne va plus vite que les travaux, mais droits dans leurs bottes les experts des routes ont la solution … On va micro-miner la voute et le chantier reprendra c’est une question de jours.
Le Micro-minage : le 11 juin boum, le micro-minage réussit un franc succès, il reste à nettoyer et le chantier reprend nous dit le CD 38. Ouf ça va être bon pour le tour de France. Et puis le 13 Juin la Une du Dauphiné ! Vision d’horreur, plus de mot, le vide, la détresse, là c’est sûr, c’est mort.
Encore une fois la communication est calamiteuse
1 mois s’écoule encore dans le stress, l’angoisse, la dépression envahie même les plus optimistes.
Vient alors le vendredi noir, le 19 juin c’est bel et bien 1 million de mètre cube de roche qui vont tomber dans le lac.
Le village a le souffle coupé et pourtant il en faudra dès le 23 juin car pour aller en Isère c’est 45 mn de marche qu’il faut aux maçons pour rejoindre leur lieu de travail en Isère ! Impossible le cabinet médical ne désempli pas et les arrêts de travail pleuvent.
En ce début juillet les terrasses des cafés désespérément vides nous retenons notre souffle la montagne va tomber le 5 juillet à 14 heures 12 ! Une vague de 100 m lit on dans les journaux mais rien de grave le barrage est costaud rétorque EDF. Les télés sont là, campent sur l’autre rive espérant capturer l’image spectaculaire pendant que les habitants du Freneyjuste en dessous tremblent de trouille.
Le 6 juillet c’est le coup de grâce, devant nos postes de télé on apprend qu’il faut être humble devant la montagne !!! La colère nous gagne !!! Comment peut on imaginer que nous qui avons fait le choix de vivre ici au cœur du massif des Ecrins aux pieds des glaciers ne sachions qu’il faut être humble face aux éléments naturels.
En conclusion Monsieur Le Premier Ministre :
Après 105 jours de craintes, 105 jours d’espoir, 105 jours de désespoir, nous sommes épuisés, aujourd’hui nous attendons de vous Monsieur le premier ministre un geste fort car nous ne pouvons pas croire que vous ne nous laissiez comme unique choix : tout perdre et partir !
Merci pour votre attention et j’espère que ce petit historique vous aura permis de comprendre qu’il faut sans tarder que vous preniez les rênes de cette crise sous peine de voir la vie socio économique de notre vallée disparaitre.

Discours tenu par Sonia Paquet Chamoux porte parole du collectif:

105ème jour, de ce que nous appelons désormais « la crise du Chambon ».Depuis 3 mois et demi nous demandons un geste fort de l’Etat. Aujourd’hui vous êtes là, pour allier ce geste et les actes.
La cadre est magnifique, et vivre ici au pied de la Meije est un choix vous l’aurez compris, c’est rude parfois…un cadre majestueux ou meijestueux pour une catastrophe sans précédent, une catastrophe naturelle ? Hors norme qui fait de nous des exilés géologiques.
De mémoire d’ancien, ils n’ont jamais vu ça, ils ont connu les mètres de neige et les mois d’isolement mais une coupure aussi longue jamais. Eux savent ce que repeupler une vallée désertée veut dire. De mémoire d’enfant non plus d’ailleurs, se rendre à l’école en bateau….
Le cadre de la crise est complexe : deux départements, deux régions, deux préfets, un préfet coordinateur. Tout est long, fastidieux. Tout le monde se renvoit la balle, c’est de la compétence du conseil départementale 38, c’est de la compétence du préfet….le tunnel est en Isère et les plus grosses conséquences sont ici, vous êtes à l’épicentre d’un séisme dont les répercussions vont jusqu’ Briançon et au delà…
La communication dans cette crise se fait souvent à grand coup d’effet d’annonce des uns et des autres au mépris des populations qui vivent ici : les habitants découvrent leur avenir dans le journal, à la radio..
Qui est le chef ? Où est monsieur crise ? y-a-t-il un pilote dans l’avion ? L’Etat doit être ce chef pour taper un grand coup de poing sur la table pour remettre tous le monde sur la même route dans le même sens avec des MOYENS. Tous unis pour atteindre le bout du tunnel.
Dans deux mois c’est l’hiver Monsieur le premier ministre, et l’autre coté deviendra un autre monde : plus de bateau, plus d’hélico, plus de sentier. Sans route, c’est la chronique d’une mort annoncée : lente, douloureuse, silencieuse : les emplois salariés saisonniers disparaitront, les entreprises du bâtiment aussi faute de marché, les socioprofessionnels du tourisme faute de clients, l’isolement des personnes âgées, des malades…
Quels sont nos choix ? Partir ? Où ? Pour quoi faire ? Nos maisons ne valent plus rien, les fonds de commerce non plus…la désertification guette avec ses conséquences : fermeture des écoles, fin de la vie associative…
En conclusion Monsieur Le Premier Ministre :
Nous sommes en 2015, au troisième millénaire, en France, la 6ème puissance mondiale : NOUS VOULONS UNE ROUTE POUR TOUS UNE ROUTE POUR VIVRE ! Pas de route rustine, pas de desserte locale, une vraie route comme un cordon ombilical, notre cordon ombilical à la vie, à nos choix de vie…
Pour finir nous tenons à remercier les personnes qui ont permis à un collectif citoyen comme le nôtre d’être entendu au plus haut de l’état, juste avec nos mots…L’Etat se mobilise ainsi pour nos vallées et montre sa proximité avec ses citoyens.
Tel Cincinatus qui après avoir défendu sa patrie et est retourné labourer ses champs, avec une route, les Naufragés du Chambon retournerons dans leurs montagnes faire ce qu’ils savent faire de mieux, leur travail…en espérant ne jamais être écartés des décisions sur leur avenir d’ici là.

Merci d’être venu Monsieur le premier ministre.